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Jean Couvercelle, fondateur de Tennis Magazine

Retour sur le parcours exceptionnel de Jean Couvercelle, le fondateur du célèbre « Tennis Magazine » dans L’exclu ATM.

Jean Couvercelle.

« Le tennis est une école de la vie ».

Jean Couvercelle

Vous êtes une légende littéraire du tennis et avez consacré une grande partie de votre vie à ce sport. Que vous inspire ‘tant‘ cette discipline ? Ou comment êtes-vous tombé dans la marmite du tennis ?

Tout d’abord, vous me faites trop d’honneur… j’espère surtout avoir communiqué et transmis l’amour de ce sport aux centaines de milliers de lecteurs de toutes générations qui ont partagé mon plaisir et mes émotions, et celles des équipes qui m’ont accompagné au fil de plus de 40 ans passés au bord des courts du monde entier et dans la réalisation mois après mois de 475 numéros.

Le tennis est un sport qui est plus que beaucoup d’autres une école de la vie, avec ses hauts et ses bas, par la magie d’un score qui peut tout remettre en question et inverser le cours des choses tant que la balle de match n’est pas jouée.

Un sport qui exige technique, physique, mental, stratégie, maîtrise de soi et des éléments extérieurs. Un face à face où les personnalités se révèlent dans leur réalité.

Le tennis est ainsi aussi un formidable spectacle, avec des champions et championnes aux styles et aux comportements le plus souvent différents. Avec des rendez-vous au sommet que tout le monde connaît et attend avec impatience : les tournois du Grand Chelem.

Personnellement, j’ai commencé à jouer régulièrement assez tard, même si je m’intéressais à tous les sports depuis toujours, et je suis monté en deuxième série assez vite. Mais je travaillais déjà, et n’avais pas trop le temps de faire des tournois.

Cela dit, je n’ai jamais cessé de jouer, et j’ai gagné une dizaine de fois le titre de champion de France des journalistes. À Roland Garros, s’il vous plaît…

Vous avez fondé en 1976 Tennis Magazine, la Bible du tennis pour les passionnés. Comment vous est venue une telle idée à l’époque ?

J’étais en charge des rubriques rugby, golf et tennis à France Soir, où j’ai eu la chance de commencer à travailler en 1967. C’était le plus grand quotidien de France, qui vendait plus d’un million d’exemplaires par jour, ce qui fait rêver aujourd’hui !!

J’ai découvert au fil des jours le monde du tennis, ses champions, ses dirigeants, dont Philippe Chatrier, que j’ai soutenu dans sa conquête de la Fédération française, en 1969, avec l’ancien champion Marcel Bernard. Et, de plus en plus passionné de ce sport, qui était en plein boum avec l’arrivée de sa première star, Björn Borg, qui a gagné Roland-Garros à 18 ans en 1974, j’ai tout simplement imaginé et créé le magazine que j’avais envie de lire.

Ce magazine, plus que tout autre, a contribué au développement de la discipline, notamment, en France. Comment expliquez-vous ce succès ?

Je pense que beaucoup d’amateurs de tennis partageaient cette attente d’un magazine avec un contenu qui leur apporterait ce qu’ils avaient envie de lire, sans même forcément le savoir. Il existait alors un magazine, Tennis de France, qui était bien, mais qui, à mes yeux, ne répondait à cette attente.

Nous avons donc proposé un magazine avec des rubriques très variées, qui abordaient toutes les facettes du tennis. Celui du pratiquant débutant comme du joueur expérimenté, du spectateur connaisseur comme du néophyte, et ce, pour toutes les générations, avec notamment un poster géant qui était une innovation.

Nous allions au fond des choses, des coulisses du circuit aux reportages et entretiens avec les plus grands champions.

Un cocktail que nous servions tous les mois, pour susciter une fidélité dont les lecteurs nous ont généreusement témoigné très rapidement, et pour longtemps… Et les annonceurs nous ont fait également confiance compte tenu d’une durable croissance à deux chiffres.

J’ai voulu que Tennis Magazine soit aussi une source d’inspiration pour que tous les jeunes qui découvraient ce sport en respectent les valeurs.

Dans le ton des articles, il y avait la volonté d’entretenir une sorte de complicité autour de cette passion, avec la rigueur qu’exige l’information mais, sans jamais se prendre au sérieux.

Il y avait donc une réelle qualité d’information, mais aussi une sorte de décontraction affichée et une dose d’humour… C’était en tout cas le but recherché.

« Yannick Noah, découvert au Cameroun par Arthur Ashe, une magnifique histoire et un triomphe à Roland-Garros en 1983, le dernier en date pour un Français. »

Jean Couvercelle
Arthur Ashe et Jean Couvercelle dans les bureaux de Tennis Magazine en 1979.

Vous avez eu l’honneur de côtoyer les plus grands champions de tennis depuis les années 70. Lequel est le plus charismatique, celui qui a le plus révolutionné ce sport ?

J’ai déjà évoqué Borg, le plus charismatique et la première star. À sa façon, il a révolutionné un sport, car c’était un athlète exceptionnel.

Il a donné au tennis une nouvelle dimension avec sa couverture de terrain, son lift jusqu’alors jamais aussi important, son revers à deux mains également lifté, son allure et sa froideur apparente. Il était comme imperméable à tout ce qui pouvait arriver au cours d’un match.

Avant lui, il y avait eu les fameux Australiens Laver et Rosewall, et avec lui Connors et surtout McEnroe, son parfait négatif.

Et puis bien sûr Yannick Noah, découvert au Cameroun par Arthur Ashe, une magnifique histoire et un triomphe à Roland Garros en 1983, le dernier en date pour un Français. À propos de charisme, on ne peut guère faire mieux…

Il y a eu aussi Chris Evert et Martina Navratilova. Et bien d’autres depuis que j’ai tous et toutes admirés, jusqu’à cet incroyable Big three, Federer, Nadal et Djokovic, et côté féminin les sœurs Williams.

Mais la plus grande révolution, c’est sûrement celle des raquettes et du cordage qui permettent de jouer avec un intensité inatteignable hier…

En tant que grand connaisseur, comment expliquez-vous le manque de joueurs africains au plus haut niveau mondial ?

Les athlètes africains ont fait leurs preuves dans bien des disciplines, et sont extrêmement présents, notamment en football et en athlétisme, et le haut niveau, les Africains connaissent, ce n’est pas un problème pour eux !

Le frein, à mon avis, c’est que le tennis est jusque-là un sport pas accessible au plus grand nombre, et donc relativement peu répandu en Afrique. Ne serait ce que par un manque d’équipements qui interdit à beaucoup de goûter au tennis.

Il y a eu cependant quelques bons joueurs, certes pas encore au plus haut niveau, qui ne peut être atteint que par un joueur exceptionnel, qui peut surgir partout dans le monde, même dans un contexte défavorable. Mais par définition, c’est rarissime.

Pour avoir plus de chances de trouver des joueurs et joueuses d’un haut niveau, disons dans les 100 premiers mondiaux, il faut arriver à constituer un réservoir important de jeunes dans différents pays africains et les regrouper ensuite dans une ou des académies pour susciter une émulation et les pousser à progresser encore et toujours.

Mais le parcours de Sada Nahimana, comme celui de Yaya Doumbia ou Odizor jadis, prouve malgré tout que celui qui porte en lui cette volonté peut aller très loin… même s’il reste un long chemin pour Sada, bien sûr…

Il y a bien longtemps, Tennis Magazine publiait un excellent article sur le tennis africain. Quarante ans après, quel constat faites-vous ?

Effectivement, j’avais voulu à l’époque que tennis magazine fasse un état des lieux, pour essayer de dessiner un avenir au tennis africain.

Nous avions rencontré des gens passionnés, mais déjà nous avions constaté un déficit d’équipements qui limitait les possibilités de développement. Il y avait des projets, mais je ne suis pas sûr qu’ils aient été réalisés. Cela dépend trop souvent de la volonté d’un homme ici, d’un autre là, des passionnés qui peuvent se décourager ou ne plus être en état de faire avancer les choses.

Le champion Yannick Noah entouré par Jean Couvercelle, et sa famille

La FFT a initié depuis bientôt 4 ans, le projet de la francophonie du tennis, porté désormais par 34 fédérations francophones à travers l’A2FT. Que pensez-vous de ce projet novateur ?

La francophonie est une grande cause à laquelle je suis attaché dans tous les domaines, et pas seulement culturels, même si la langue française en est évidemment le creuset.

Que le tennis se retrouve au cœur de la francophonie, bien défendue en l’occurrence par Daniel Chausse, ne peut qu’être favorable au développement de notre sport dans les pays en question, dont de nombreux pays africains bien entendu.

Et le lien est tout trouvé avec ce fil francophone illustré hier par Yannick Noah (Franco-Camerounais), aujourd’hui par Jo-Wilfried Tsonga (Franco-Congolais) et l’un des grands espoirs du tennis mondial, Felix Auger Aliassime (Canado-Togolais).

L’A2FT doit permettre d’aider à répondre aux problèmes évoqués précédemment, en favorisant la mise en place de structures là où elles manquent, avec le concours des États et bien sûr de la Fédération Internationale, qui à sa façon joue son rôle au plan mondial, et des fédérations francophones les plus riches, et notamment la FFT et son Grand Chelem…

Vous êtes un homme d’expérience, un mordu de tennis et un visionnaire. Quels conseils auriez-vous à donner à la nouvelle génération de joueurs de tennis, les joueurs africains en particulier ?

S’inspirer de tous ceux qui les ont précédés, notamment en se penchant avec attention sur leur parcours et la façon dont ils ont surmonté les obstacles et les déceptions. Être prêts à donner chaque jour le meilleur de soi- même, tout en gardant toujours le plaisir de jouer, qui doit être et rester le moteur.

Et ne jamais oublier la citation de Kipling qui figure à l’entrée du central de Wimbledon, et sous laquelle sont passées tous les champions depuis plus de 100 ans : « Si tu peux rencontrer triomphe et défaite, et traiter ces deux imposteurs d’un même front, tu seras un homme mon fils ».

La pandémie de la Covid-19 a décrété une pause de réflexion à l’humanité entière. Comment voyez-vous l’après-crise sanitaire pour le monde et notre sport ?

Après la première période qui a surpris tout le monde, comme s’il était impossible d’imaginer ça, et a tout paralysé ou ralenti partout, le temps semble venu d’apprendre à vivre avec cette épidémie, en attendant le vaccin qui devrait soulager tout le monde avant l’arrivée d’un autre virus…

Cela nécessite de la vigilance, de la prudence, et de l’humilité face à ces éléments qui nous dépassent, mais aussi d’apprendre à vivre dans un contexte économique encore plus déséquilibré qu’auparavant. Nous ne sommes qu’au début de cette « après-crise », qui est loin d’être terminée. On a donc encore beaucoup de leçons à tirer…

Quant aux circuits du tennis, il aurait sans doute déjà fallu en venir à organiser des tournois en zones géographiques, pour éviter les voyages intercontinentaux au maximum, sauf pour des phases finales intercontinentales, dans des lieux sûrs.

L’avenir proche est très incertain. Tant qu’il n’y aura pas de vaccins, chaque événement sportif sera sous la menace d’un huis clos ou même d’une annulation.

Enfin, un mot sur Africa Tennis Mag ?

Très belle initiative, bravo à ceux qui en sont à l’origine, et aux manettes aujourd’hui.

D’une certaine façon, cela me rappelle le lancement en France de Tennis Magazine, avec tous les problèmes qui vont avec, les doutes, les difficultés à convaincre des partenaires pour trouver un modèle économique viable.

Mais aussi cette formidable motivation de mettre le tennis au premier plan, et de contribuer de façon importante à son développement en Afrique, pour que demain ce continent soit de plus en plus et de mieux en mieux représenté dans l’élite du tennis mondial. Et pourquoi pas jusqu’à son sommet…

Jean Couvercelle en compagnie de Björn Borg à Roland-Garros.

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